2021 : LE CALVADOS PÈRE MAGLOIRE BICENTENAIRE

2021 : LE CALVADOS PÈRE MAGLOIRE BICENTENAIRE
April 22, 2021 Veronique Herbaut

Le Calvados Père Magloire fête ses 200 ans, cette année 2021, et les 60 ans de son installation à Pont-l’Évêque. Benoît Noël, historien des spiritueux et auteur avec Maud Guichard du livre Cidre & Calvados en Pays d’Auge (Éditions BVR – 2013) relate :

– « La société Spirit-France, propriétaire de la marque Calvados Père Magloire, a acquis les Établissements Debrise-Dulac de Pont-l’Évêque en 2007. Debrise-Dulac est né de la fusion de la distillerie Debrise, créée en 1844, et de Bourcier-Dulac, société issue de l’association de Bourcier, fondée en 1821 et de Dulac, apparue en 1869. Ces deux siècles : de 1821 (Bourcier, distillerie mère) à 2021 (Spirit-France, héritière de Bourcier) ont été marqués par le transfert, en 1961, c’est-à-dire, il y a 60 ans, de Debrise-Dulac de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) à Pont-l’Évêque. En ce nouvel emplacement, les Établissements Debrise-Dulac exercent alors les activités ‘d’entrepositaire, négociant, brasseur de cidre et distillateur-éleveur de calvados’.

Exposons les dates essentielles de ce bicentenaire. Dès 1830, Dominique Magloire, charismatique aubergiste de Cagny, village normand sis sur la route Paris-Caen s’identifie tant et si bien au calvados portant son nom qu’il le sert exclusivement à ses clients. À l’époque, il n’est pas question de retraite et Dominique Magloire ne quitte pas ses fourneaux jusqu’à son décès en 1875 soit 45 ans de promotion active de son produit favori. Le mythe du Père Magloire s’amorce et en 1930, un dessin publicitaire de Mory restitue Dominique Magloire brandissant un vénérable flacon de ‘la cave du deuxième sous-sol’ à la fenêtre de son relais culinaire.

En 1925, les frères Albert et Auguste Bizouard reprennent le nom de marque « Calvados Père Magloire » au greffe du Tribunal de Commerce de Paris. Négociants en alcools, les Bizouard achètent à cette époque, leur calvados en fûts à divers producteurs augerons dont les Frères Saffrey (Orbec), les Frères Blanchard (Monteille) ou Henri Leblanc  (Cormeilles-en-Auge) et disposent de chais régionaux, rue du Bailliage, à Orbec.

Plutôt que d’acquérir des chevaux de courses, les frères Bizouard réinvestissent leurs gains dans la publicité alors exponentielle. Dès la Foire de Paris de 1926, ils présentent, en pionniers, un automate Père Magloire devant leur ‘chalet’ d’exposant. Ils déclinent, dans la foulée, la silhouette bonhomme du Père Magloire en statuettes, bustes et bouteilles fantaisie. En 1927, Mistinguett, invitée sur leur stand de la Foire de Paris, dédicace aux frères Bizouard une riante photographie en ces termes révélateurs de la réputation déjà vive du distillateur normand par excellence : « À mon vieil ami, le Père Magloire ».

En 1937, en partenariat étroit avec Marcel Bleustein (futur Blanchet) mais déjà directeur de Publicis et de Radio-Cité, les Bizouard sponsorisent la célèbre émission : Sur le banc dans laquelle Jane Sourza et Raymond Souplex (futur commissaire Bourel de l’ORTF) interprètent des clochards bons vivants. Puis, lors de la Seconde Guerre mondiale et plus précisément de la campagne aérienne franco-russe Normandie-Niemen (1942-1944), le choix de l’héroïque as des as normand, Marcel Lefèvre, de décorer son Yak de la bobine du Père Magloire dont les vêtements bleu-blanc-rouge mettent en valeur les couleurs nationales, est une nouvelle preuve de l’aura de ce père tranquille. Soulignons que ce choix décoratif fit de ce placide Père Magloire, l’égal des pin-up dont les pilotes américains paraient leurs zincs !

Vers 1955, les Bizouard, influencés par le cinéma en trois dimensions, conçoivent un ‘Portrait magique’ en relief du Père Magloire dont les yeux semblent pivoter et vous suivre du regard lorsque l’on passe devant, à la manière de… la Joconde au Louvre. En 1959, suite à la scission entre les frères Bizouard, Bernard Debrise rachète la florissante marque Père Magloire. Dans la foulée, il acquiert, en 1961, la Distillerie Roger Borel, du Lieu des Champs, à Pont-l’Évêque. Roger Borel devient alors distillateur et maître de chai chez son repreneur et assure aussi le vieillissement des calvados acquis auprès des distilleries de Livarot, Jean Salin (Sainte-Foy-de-Montgommery) ou Michel Anée (Vimoutiers). En 1963, si le calvados dégusté dans les Tontons flingueurs de Georges Lautner est notoirement de contrebande ; celui dont Louis de Funès et Annie Girardot abreuvent une délégation d’industriels japonais, dans la Zizanie de Claude Zidi (1978) est naturellement le Calvados Père Magloire. En 1974, Bernard Debrise et Jean Sallin inaugurent la moderne Distillerie Père Magloire de Sainte-Foy-de-Montgommery.

En 2012, Spirit-France, repreneur donc de Debrise-Dulac, renoue avec les pratiques publicitaires des frères Bizouard et fait appel à Jean-Pierre Marielle – bientôt parodié par Laurent Gerra – pour susurrer sur les ondes qu’un ‘verre de Calvados Père Magloire, le soir, éclaire sa journée’. Il est vrai que le dicton : Une pomme chaque matin éloigne le médecin est international (An apple a day keeps the doctor away) et que la pulpe de ce fruit contient de précieuses vitamines et des antioxydants. Ainsi, hors l’abus toujours à bannir, élixir de jouvence, le Calvados Père Magloire est un blason national et un trésor international depuis 1821 ». Belges, Allemands, scandinaves et jusqu’aux connoisseurs japonais et thaïlandais l’apprécient sec ou allongé de tonic ».

 

L'auberge de Dominique Magloire

Portrait magique du Père Magloire