À propos de L'Absinthe

Le Miracle de l’Absinthe (2001)
February 2, 2016 damir

Le Miracle de l’Absinthe (2001)

Vous me direz, l’alcool n’est pas votre cup-of-tea. C’est que vous n’avez pas plongé vos lèvres dans une absinthe d’avant la prohibition. Et qui n’a pas sombré dans cet abîme de volupté n’a pas goûté au fruit défendu. D’abord, vous sursautez. Quoi ça existe encore? Vous cherchez l’esquive. -Ca rend dingue, non? -Ou génial, on l’a eu dit. Mais déjà, on insiste. -C’est une occasion unique, un cadeau royal, une expérience à vivre. Un parfum vous enveloppe. Vous ne voulez pas quitter le sol. -Goûte la straight, mais pas cul-sec, hein, malheureux! L’anis et vous ne savez quoi d’autre embaument. Vous en avez trop entendu parler et pas assez précisément. Cette bouteille a presque cent ans, elle titre 72°. Vous voulez revoir votre maman. Une perle glisse sur votre langue. Tiens, elle n’est pas anesthésiée et vos papilles comblées. Déferle une mine de sensations. Ce n’est pas si amer, frais, moins suave que le pastis, plus corsé et épicé, les saveurs sont successives, on dirait le bouquet d’un grand vin… L’anis vert, le fenouil, la petite et la grande absinthe, l’hysope, la mélisse jouent leur partition. C’est un feu d’artifice, rien d’une éruption volcanique. La finale de ce subtil cocktail de plantes semble citronnée sur la glotte. -Waoooouh, c’est géant!

Paradoxalement, vous êtes grisé par l’expérience, mais pas gris. Juste bien. On vous assène que l’huile essentielle de l’absinthe contient un composant, la thuyone, qui a la même géométrie moléculaire que le THC, le même mécanisme de biosynthèse. Vous écoutez d’une oreille distraite, vous vous souvenez avoir vu des Mexicains fumer des feuilles d’absinthe, vous revoyez Johnny Depp déguster la verte dans “From Hell”. Il la coupait de laudanum, pas vrai? Puis il la flambait comme une crêpe. Pas très recommandable! Vous rincez votre fond de verre. Mince, ils ne sont pas généreux, incroyable comme ce bouquet d’arômes reste en bouche sans la chauffer, on jurerait les tanins d’un grand cru, bon j’ai encore toutes mes facultés, faut aussi que j’essaye avec de l’eau et de la glace. Vous tendez votre verre à pied. -Hé mec, tu sais ce que ca coûte au marché noir?

© Benoît Noël